Récit d’outil planétaire
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- Récit d’outil planétaire
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Le discours de présentation d’AlphaEarth Foundations s’appuie sur la mise en scène d’une capacité de vision totalisante. Google DeepMind affirme que le modèle peut « observer » et « modéliser » la planète entière avec une précision fine, jusqu’à l’échelle de carrés de 10 m × 10 m. Cette granularité est mobilisée comme preuve de scientificité et de fiabilité, produisant l’impression qu’aucune portion du territoire n’échappe au regard computationnel. Le modèle est ainsi décrit comme un « satellite virtuel », capable d’opérer simultanément à des échelles micro et macroscopiques, assimilant des volumes massifs de données pour produire « plus de 1,4 trillion d’empreintes d’embeddings par année ». Cette représentation est explicitement formulée dans les documents de présentation : « AI-powered pixels that allow us to understand Earth across space and time » (voir article publié par GoogleEarth sur la plateforme Medium).
Cette narration contribue à la constitution d’un imaginaire de la maîtrise intégrale du terrestre. Elle repose sur l’idée qu’une description exhaustive des milieux écologiques permettrait leur gestion rationnelle : si l’environnement est entièrement visible, cartographié et structuré en données, alors il devient administrable. La précision technique devient ainsi une preuve de légitimité politique, une justification de l’intervention.
Cependant, la revendication de transparence — montrer tout — relève davantage d’une fiction opérationnelle que d’une propriété empirique. La granularité de 10 m, souvent citée comme indicateur de performance, fonctionne aussi comme geste narratif : elle naturalise une vision du monde comme surface quantifiable et divisible, alignée sur les besoins des systèmes de calcul. Ce cadrage participe d’une forme de gouvernementalité géospatiale : la Terre y apparaît comme un ensemble de surfaces optimisables, surveillables et planifiables. Le vivant y est réduit à des motifs, des variables, des pixels.
Ainsi, ce qui est présenté comme un progrès technique relève aussi d’une économie du regard et d’une certaine forme de pouvoir sur le monde : l’environnement n’y est plus compris comme milieu vécu, relationnel et multisensoriel, mais comme objet de gestion, potentiellement extractible, modulable et administrable.
Par ailleurs, il importe de reconnaître que ces stratégies discursives ne sont pas uniquement performatives : elles s’appuient sur des usages concrets qui donnent à AlphaEarth Foundations une portée opérationnelle réelle. Par exemple, dans les zones agricoles équatoriennes où la couverture nuageuse rend l’imagerie optique difficile, le modèle parvient à « voir à travers » ces perturbations atmosphériques pour distinguer des stades de culture autrement invisibles aux systèmes classiques. De même, au Canada, il permet de révéler des variations d’usage agricole qui échappent à l’œil humain, contribuant potentiellement à l’amélioration de la gestion hydrique ou des politiques de rotation des sols. Cette capacité à travailler simultanément sur des échelles globales et locales se retrouve aussi dans la cartographie de régions polaires, où le modèle a produit des représentations fines des surfaces antarctiques, facilitant le suivi de la fonte et des dynamiques glaciaires. Au-delà des démonstrations techniques, le modèle a déjà été utilisé par plus de cinquante organisations scientifiques et environnementales, notamment dans le suivi de l’expansion urbaine, la détection de la déforestation, la surveillance des zones côtières et l’anticipation des risques de feux de forêt. Ces applications montrent que, malgré la dimension idéologique d’un « monde intégralement visible », l’infrastructure permet également de soutenir des formes d’action environnementale, d’atténuation des risques et d’aide à la décision territoriale — ce qui explique sa réception positive dans plusieurs domaines de la recherche climatique et de la conservation.
- Le contenu à relier (ressource physique, actant, conceptuelle)
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AlphaEarth Foundation
- Ressource(s) associée(s) (ressource physique, actant, conceptuelle)
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Context and Caution in Environmental AI
- Une vision socio-technique de l’innovation climatique
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Climate Change AI (CCAI)
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AlphaEarth AI Model
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Nephoscope
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Julie-Michèle Morin
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