Eingeweide : Altérations sensorielles et subjectivités instables
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- Eingeweide : Altérations sensorielles et subjectivités instables
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Eingeweide (2018) met en scène deux performeur.euses — Marco Donnarumma lui-même et l’artiste Margherita Pevere — plongé.es dans une obscurité quasi totale, cohabitant avec des prothèses animées par des intelligences artificielles. Ces dispositifs, fixés à leur tête, obstruent leur vision. Toutefois, un biofilm appliqué sur l’une des prothèses permet de percevoir faiblement la lumière et de deviner certaines formes dans l’espace. Ces prothèses ne visent pas à augmenter les capacités humaines : elles altèrent plutôt la proprioception des interprètes, bouleversant leur rapport à l’espace et à leur propre corporéité.
Les contractions musculaires des performeur.euses sont également captées en temps réel (processus similaire à celui déployé dans l’œuvre Corpus Nil), transformées par des algorithmes en une texture sonore immersive. Ce dispositif sonique déconstruit l’idée d’une subjectivité stable dominé par la vue, pour en faire un espace de reconfiguration permanente, où les flux physiologiques sont rendus visibles et audibles par l’architecture performative.
Dans son article Across Bodily and Disciplinary Borders (2020), Donnarumma décrit cette scénographie comme un rituel de coalescence entre des corps humains et des entités machinées : « In Eingeweide (2018), Pevere’s body and my own, naked against a black scene, seem to meld into each other, break apart and coalesce again in a process that is neither organic nor enchanted, but raw and abrasive. [...] Sounds from the contractions of our muscles are amplified and digitally manipulated, endowing each body with a sonic identity. Prostheses on our faces literally block our sight. [...] As I – akin to an eyeless animal scouting unfamiliar terrain – crawl across ruins of a computer server farm ». Dépourvus de vision, les interprètes doivent activer d’autres formes de perception: « In this configuration, Pevere and I must heighten our proprioception so as to attune to the sensations produced by the alien organs replacing our gaze » (ibid.).
Dans cette œuvre, les prothèses ne prolongent donc pas les sens, elles les perturbent. Le corps n’en garde pas le contrôle : une série de boucles sensorielles et motrices génère plutôt un état de « psychic attunement », une syntonie affective et perceptive entre la chair et la machine. Cette relation s’installe progressivement par un apprentissage incarné, redéfinissant la présence scénique du performeur à travers l’umwelt de la machine.
Le refus de la centralité du regard humain s’accompagne ici d’un brouillage des repères identitaires et morphologiques. Les corps deviennent indistincts, composites, parfois méconnaissables. Eingeweide ne propose ni une célébration de la fusion homme-machine ni une vision dystopique de la désincarnation. Elle donne plutôt à voir un monde dans lequel organismes, machines et humain.es se contaminent mutuellement — parfois agressivement, parfois tendrement —, laissant émerger de nouvelles modalités d’être, échappant aux catégories binaires et aux assignations figées. Le corps y est pensé comme un milieu transformable, traversé de tensions, d’affects et de devenirs instables. - Contenu à relier / annoter (ressource physique, actant, conceptuelle)
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7 Configurations - Eingeweide : Marco Donnarumma et Margherita Pevere en performance
- A comme contenu relié / annoté (ressource physique, actant, conceptuelle)
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Bodily Extensions and Performance
- Performativité
- Intelligence artificielle
- Algorithmes
- Immersion
- Mutation
- Prothèse
- Cyborg
- E-mail de la personne ayant créé cette relation / annotation
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Julie-Michèle Morin
- A comme collection ARCANES
- IA, pratiques narratives et arts performatifs
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