Pour des environnements numériques contre-intuitifs, complexes et hétérogènes. La littératie numérique à l’épreuve des GAFAM
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Titre de la conférence
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Pour des environnements numériques contre-intuitifs, complexes et hétérogènes. La littératie numérique à l’épreuve des GAFAM
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Date de la conférence
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7 October 2022
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Résumé
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Les environnements numériques sont désormais dominés par une poignée d’entreprises privées qui nous promettent des technologies intuitives, simples et neutres, qui « résolvent » nos problèmes sans que nous devions nous poser trop de questions et surtout sans que nous devions trop penser. Cette rhétorique est à la base d’une incompétence numérique croissante: nous dépendons des GAFAM, les GAFAM pensent à notre place. Une littératie numérique véritable demande une mise en question radicale de cette rhétorique: il faut rechercher des environnements contre-intuitifs, complexes et hétérogènes.
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résumé ChatGPT
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La conférence met en lumière la façon dont les environnements numériques, tels que Zoom, Google et Word, conditionnent notre pensée et notre comportement. Marcello Vitali-Rosati critique la rhétorique des GAFAM, soulignant que nous adhérons aveuglément à leurs valeurs et que cela entrave notre littératie numérique. Il aborde deux aspects principaux : l'immatérialité et l'intuitivité. Il explique que ces outils sont présentés comme simples, performants et intuitifs, mais en réalité, ils façonnent notre façon de penser de manière univoque. Il souligne également le danger de cette rhétorique, qui cache l'influence et les valeurs des environnements techniques. Il exprime sa frustration quant à l'approche de la littératie numérique à l'école primaire, notamment l'utilisation des iPad, qui, selon lui, ne favorise pas le développement de la pensée critique mais plutôt l'assujettissement à un modèle unique. Il aborde également la nécessité de considérer les dysfonctionnements comme une voie vers la pensée critique et propose trois types d'outils dysfonctionnels : les outils cassés, les outils complexes et les outils inutiles. Pour illustrer son point de vue, il utilise des exemples de dysfonctionnements dans le contexte philosophique et conclut en affirmant que les sciences humaines devraient être "un bug" pour provoquer le changement.
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Citation tirée de la conférence
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« Cette simplicité, cette neutralité, cette performance, cette rapidité cachent en réalité une production de valeurs qui vient du côté de l'outil, et une adhésion totale de notre part à ces valeurs [...]. [N]ous n'avons plus les capacités [...] et la littératie pour comprendre que nous ne sommes pas en train de dicter les règles, nous ne sommes pas en train d'exprimer nos volontés et nos besoins, nous sommes simplement en train d'être utilisés, d'être agis par ces environnements. »
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« Ce que nous sommes en train de faire, fondamentalement, [c'est que] nous avons transformé notre recherche et l'université en une série de réunions de petites entreprises qui essaient de s'adapter aux impératifs de performativité et de productivité du marché occidental. »
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« En fait, cette réthorique de l'intuition fonctionne très très bien, parce que nous sommes dedans et en effet nous sommes agis par les seuls dispositifs que nous avons à disposition, qui ont formaté de façon univoque et détruit toute possibilité de multiplicité. [...] C'est intuitif non pas parce que en effet nous en avons une intuition, mais parce que ces outils ont complètement conditionné notre façon de penser, ils pensent à notre place, et donc nous sommes comme des marionnettes. Nous faisons la seule chose que les dispositifs nous proposent, et nous n'arrivons même pas à voir que l'on pourrait faire autre chose, et que donc ce n'est pas du tout intuitif. »
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« Les outils dysfonctionnels permettent l'émergence d'une pensée critique parce qu'ils nous renvoient à une complexité irréductible – au fait que l'on ne peut pas avoir d'intuition, au fait que justement il y a toujours un travail intellectuel qui consiste à imaginer des modèles, les comprendre, etc. –, à une multiplicité, c'est-à-dire qu'il n'y a jamais une seule manière de faire une chose, contre toutes les formes d'antonomase – par exemple "on s'est fait un Zoom" au lieu de "une vidéoconférence" – il y a plusieurs moyens différents pour se parler [...] et il y a une multiplicité de modèles possibles à penser, et [à] une certaine opacité nécessaire. Quand je dis opaque, ça veut dire [que] l'environnement réapparaît, et du coup on peut en avoir une réflexion critique. »
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« La philosophie est un bug. À mon avis, les sciences humaines doivent être un bug. Arrêtons de nous demander à quoi ça sert les sciences humaines, ça doit servir à rien. Ou mieux : ça doit nuire, nous devons nuire à la société, pas servir. Donc si un outil est dysfonctionnel, si on perd du temps parce que Jisti ne fonctionne pas aussi bien que Zoom, c'est notre mission : ne pas faire fonctionner les choses, de tout casser, de faire dysfonctionner, de tout bloquer et ne pas rentrer jamais dans cette rhétorique de l'utilité. À quoi ça sert? À rien. La philosophie ne sert à rien, la pensée critique ne sert à rien, les sciences humaines ne servent à rien, la littérature ne sert à rien. La seule chose que nous pouvons espérer c'est que nos approches puissent tout casser et donner lieu à une société beaucoup plus dysfonctionnelle. »
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