Pister, dépister: détourner (l’économie de) l’attention en culture numérique (prise 2)
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- Titre de la conférence
- Pister, dépister: détourner (l’économie de) l’attention en culture numérique (prise 2)
- Conférencier
-
Bertrand Gervais
- Date de la conférence
- 5 November 2021
- Résumé
- Nous vivons entourées de fictions et d’écrans, de fictions diffusées par des écrans. Ce sont des fictions, en ce sens que les valeurs de vérité de ces images et récits qui nous entourent et que nous consommons ne peuvent être établies de façon assurée. Tant qu’elles restent dans le flux qui les voit apparaître, tant qu’elles se succèdent à ce rythme trépidant que nous leur connaissons, elles échappent à tout contrôle, à toute vérification. Bien entendu, nous pouvons extraire une information de son contexte et l’examiner dans son rapport référentiel, stopper la machine pour en vérifier le fonctionnement. Mais nous ne le faisons que sporadiquement, lorsque pressés par une incohérence ou une urgence quelconque. En culture de l’écran, la feintise (Schaeffer) n’est plus une convention partagée, mais une modalité fondamentale de notre être au monde, une des composantes essentielles de cette interface que notre imaginaire déploie. Nous faisons semblant de croire à la vérité de ce que les écrans diffusent, sachant qu’à défaut d’être authentiques, ces récits ont l’avantage d’être partagés et de nous servir de référence commune. Ils permettent de tisser des liens, d’assurer une intercommunication, de meubler cette interface qui nous lie, mais sans pour autant être véridiques. Ils sont vrais comme des romans peuvent être dits vrais, c’est-à-dire que leur vérité est au second degré, elle est symbolique plutôt qu’effective. Elle réunit plutôt que de référer. Dans le cadre de cette séance du séminaire consacré aux « Frictions de la fiction : stratégies de tromperie en littérature et dans les pratiques culturelles», je m’arrêterai au projet « Nouvelles de la colonie » qui hante les murs de la plateforme Facebook. Œuvre collective, animée par des avatars aux noms atypiques (Ivan Arcelov, Limitrova Olga, Anna-Maria Wegekreuz, etc.), cette série littéraire joue avec les limites de la fiction, procédant à un détournement du réseau social à des fins « révolutionnaires ». Cette fiction participe d’une raison numérique (en opposition à une raison graphique) et se déploie en fonction de principes que je décrirai afin d’en comprendre les soubassements.
- résumé ChatGPT
- Cette conférence explore la notion de tromperie et de fiction à l'ère numérique, mettant en lumière comment Internet et les médias sociaux ont amplifié la diffusion de faits alternatifs et de mensonges, notamment dans le contexte politique. Le conférencier aborde également l'idée que la vérité est devenue malléable, sujette à l'interprétation et à la manipulation, avec des exemples concrets de l'utilisation de l'autofiction et de la supercherie en ligne. Il explore le concept de vérité et de fiction dans le contexte d'Internet et des médias sociaux. Il aborde la propagation de fausses informations, la désinformation, et la manipulation de la vérité à des fins personnelles ou politiques. La conférence met également en lumière le rôle des médias sociaux dans la création d'une réalité alternative, où la frontière entre vérité et mensonge devient floue. Le projet "Nouvelles de la Colonie" est présenté comme un exemple de fiction qui s'intègre aux médias sociaux pour critiquer la société de surveillance contemporaine.
- concepts et mots-clés reliés
- Tromperie
- Fiction
- Médias sociaux
- Faits alternatifs
- Mensonge
- Fiction autobiographique
- Uchronie
- Vérité
- Réalité parallèle
- Désinformation
- Réalité alternative
- Culture de l'écran
- Société de surveillance
- Citation tirée de la conférence
- « Nous vivons entourés de fictions et d'écrans. De fictions diffusées par des écrans. Ce sont des fictions en ce sens que les valeurs de vérité de ces images, récits et textes qui nous entourent et que nous consommons ne peuvent être établis de façon assurée. »
- « Ce qui apparaît à l'écran n'est pas vrai du fait d'apparaître à l'écran, raisonnement tautologique par excellence, mais bien parce que des sources viennent authen tifier ce qui est dit, une intertextualité et une interdiscursivité viennent valider ce qui a été avancé. Or, bien souvent, comme nous le dit Anna Caterina Dalmasso, l'écran de l'ordinateur est une « fenêtre qui fait écran ». Une fenêtre qui montre autant qu'elle ne cache. »
- « Le morcellement et la division étant bien entendu la meilleure façon de gouverner. Dans la culture de l'écran, où dominent les flux, la vérité n'est rien d'autre qu'un label, fait d'abord et avant tout pour attirer l'attention et faire écran. La vérité ne se rapporte plus à une adéquation entre une assertion et un fait ou un état du monde, mais un système de renvoi entre des assertions, dénuées bien souvent de tout fondement. La vérité, c'est ce qu'on tente d'imposer aux autres. C'est une arme, dont on a l'usage exclusif, et dont on abuse pour ses intérêts personnels. La vérité n'est pas différente de la fiction, elle est en fait un nouveau nom de la fiction, c'est une fiction qui ne dit pas son nom. »
- « La vérité n'est pas différente de la fiction. Elle est en fait un nouveau nom de la fiction. »
- « À force d'être répété, par contre, un mensonge finit par être une vérité et c'est ansi qu'une uchronie prend racine et se déploie. Au delà de la dimension politique de la situation, on est en droit de se demander, compte tenu de l'utilisation abusive des médias sociaux pour répandre ses mensonges et balivernes, que peut-on dire des formes de la vérité, voire de notre expérience de la vérité sur Internet? Peut-on croire ce qui est dit, quand un personnage aussi important qu'un président des États-Unis peut mentir de façon éhontée, et non seulement mentir mais dans des exemples extrêment complexes d'une novlangue, prendre ces mensonges pour une vérité, des articles qui le contredisent pour des fake news et les journaux et chaînes de télévision qui vérifient le bien fondé de ses assertions pour des ennemis du peuple et de la démocratie. La meilleure façon de produire une désinformation efficace, l'ont bien saisi les idéologues, c'est d'inonder les médias littéralement de merde, de bruit et de fureur, de calomnies, d'énormités. Comme le dit Bannon : "To flood the zone with shit". »
- « Bien entendu, il ne s'agit pas de dire que tout est fiction – quoique l'on pourrait avoir des doutes. Il ne s'agit pas de dire que tout est fiction, mais plutôt que la fiction s'inscrit, en culture de l'écran, au coeur de notre rapport au monde, et elle apparaît comme un soupçon, le soupçon d'une vérité toujours apprêtée, toujours déjà médiatisée. La fiction n'y est plus un jeu de langage, mais une hypothèse, voire une règle d'interprétation déterminant une mise en relation et, ultimement, une vision du monde. »
- « Nouvelles de la colonie est une fiction qui se moule à son média, qui fait corps avec lui et en épouse des formes et qui se donne à lire et à expérimenter de la même façon que nous inspectons les murs [Facebook] de nos amis et de nos connaissances, oscillant dans notre posture entre discrétion et voyeurisme. Mais c'est le même suspens de l'engagement qui a cours : des êtres donnent à lire leurs pensées et leurs intentions, mais leur identité n'est que de passage, c'est une identité-flux, une identité-écran, nécessairement transitoire. Et ce qu'ils disent est nécessairement impossible à vérifier. D'emblée, les rapports de vérité ne s'appliquent plus de façon stable ni prévisible : le texte qui se déroule sous la forme d'un mur qui monte peu à peu jusqu'au sommet de la tour compose un récit dissimulé derrière un écran que les entrées des hétéronymes rendent partiellement apparent. »
- Bibliographie de la conférence
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Pourquoi la fiction?
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L’écran c’est le corps. Penser le cadre sans bords
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J'habite dans la télévision
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Lunar Park
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De la déréalisation du monde: Réalité et fiction en conflit
- Médiagraphie de la conférence
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The Masterpiece
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The Republican Club
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Charts showing findings of two newspapers' fact checkers re the number of "false or misleading" or "false" claims by U.S. President Donald Trump.
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Saison 1
- collection
- Arts trompeurs
- URL de la capsule de la conférence
- https://youtu.be/EJWgEdFoVhU
- Est relié à la séance
- Stratégies de tromperie en littérature et pratiques
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Des arts trompeurs à la désinformation dans l’espace socionumérique | Collection |
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