Hyperstition, spéculation et complot : schizoanalyse des imaginaires conspirationnistes

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Titre de la conférence
Hyperstition, spéculation et complot : schizoanalyse des imaginaires conspirationnistes
Conférencier
Fabien Richert
Date de la conférence
5 March 2021
Résumé
Cette intervention sera l’occasion de présenter le concept d’hyperstition. Conçu à partir d’une contraction des mots « hyper » (intensité excessive) et « superstition » (fétichisme, surnaturel, force occulte), le concept d’hyperstition est utilisé pour penser le pouvoir suggestif et fantasmatique de certaines fictions et autres composés narratifs qui brouillent les frontières entre le vrai et le faux, la théorie et la fiction. Ces composés narratifs dits « hyperstitionnels » disposent également d’une puissance performative en raison de leur capacité à esquisser de manière plausible des modèles explicatifs de certains phénomènes et événements qui résistent toujours plus ou moins à la compréhension individuelle et collective. Nous reviendrons succinctement sur la généalogie d’un tel concept qui provient d’un ensemble de chercheurs et d’étudiants de l’Université de Warwick. Passionnés par la cyberculture et la French Theory, regroupés autour de la Cybernetic Culture Research Unit (CCRU), ces chercheurs ont notamment participé au développement des thèses très controversées de l’accélérationnisme. À cette allure occulte, ésotérique, voire complotiste qui caractérise leurs travaux, s’articule une tentative de compréhension des dynamiques actuelles et futures du technocapitalisme par l’intermédiaire de théories qui puisent abondement dans les imaginaires catastrophistes, surnaturels et occultes. En nous appuyant sur quelques exemples concrets, et en nous servant du vocabulaire emprunté à la schizoanalyse deleuzo-guattarienne (diagramme, flux, territoire, univers de valeurs) ‒ ayant notamment inspiré les travaux du CCRU ‒, nous testerons la pertinence du concept d’hyperstition pour aborder certains traits caractéristiques de la logique spectaculaire de ce qu’on a proposé d’appeler, faute de mieux, l’ère de la post-vérité.
résumé ChatGPT
La conférence explore le concept d'hypertension, en se concentrant sur ses diverses dimensions. Fabien Richert commence par définir l'hyperstition et contextualiser le sujet dans le cadre de la postmodernité. Il discute des travaux de Delphi Cartoons et de la notion de "perception" comme une combinaison d'hyper et de superstition. Il passe ensuite en revue les principes de l'hyperstition proposés par Denis Klein, notamment son aspect performatif et sa relation avec l'imaginaire social. L'hyperstition est ensuite liée à des théories plus larges telles que l'accélérationnisme, qui prône des changements technologiques et sociaux rapides. Richert examine les travaux de Nick Land et d'autres penseurs sur l'accélérationnisme, mettant en évidence ses implications pour la société contemporaine. L'accélération est également associée à une augmentation des rythmes de vie et du multitâche, conduisant à une expérience fragmentée et éphémère du temps. Enfin, l'hyperstition est examinée à travers le prisme de l'accélération dans la postmodernité, caractérisée par l'immédiateté, la superficialité et l'hyper-réalité. Des références à des penseurs tels que Baudrillard et Berardi sont utilisées pour illustrer ces idées. Richert explore également les concepts de post-vérité, hyper-réalité, fragmentation des subjectivités et modernité tardive à travers les références philosophiques telles que Baudrillard, Boltanski, Guattari, Deleuze, ainsi que des concepts du réalisme spéculatif et des thèmes inspirés de Lovecraft. Il met en lumière une thèse délirante présentée dans un ouvrage fictif qui lie le pétrole à un complot cosmique. Il propose finalement un décentrement du point de vue pour repenser le rapport au capitalisme et à l'altérité, en s'appuyant sur une approche schizo-analytique de la modernité tardive.
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Citation tirée de la conférence
« Donc l'idée, c'est de penser l'hyperstition comme un fragment de l'imaginaire social, qui est à la fois actif et effectif. Donc je parle de puissance performative au sens où cet imaginaire déclenche des actions précises, a des impacts concrets dans le monde social. Et je préfère parler d'imaginaire social au sens de Castoriadis plutôt que de culture pour insister [...] sur la dimension sémiotique de l'imaginaire. [...] Je prends le terme de "fragment" pour souligner l'opération de détachement d'un morceau de l'imaginaire social qui s'autonomise, qui se territorialise – pour être aussi dans le vocabulaire de Deleuze et Guattari – qui devient univers de valeurs, qui devient investissement de désir. Alors pour illustrer ce premier principe, Delphi Carstens donne l'exemple de la spéculation boursière. L'anticipation du mouvement des prix, l'espoir d'un retour sur investissement reposent sur des conventions d'interprétation, des significations imaginaires et des univers de valeurs qui servent de levier à la spéculation. En d'autres termes, l'imaginaire boursier, il est effectif, il est performant, il déclenche des actions ciblées et, par ailleurs, il est de plus en plus automatisé. Derrière les chiffres, les diagrammes, les pourcentages, la frénésie qui règne dans les salles de marché, il y a des conséquences bien réelles, profitables pour certains ou dévastatrices pour d'autres. »
« On peut se demander si, en fin de compte, l'hyperstition n'est pas un terme plus sophistiqué pour désigner ce qu'on appelle depuis plus longtemps évidemment les théories du complot. Est-ce qu'une hyperstition, ce n'est au fond qu'un ensemble de croyances dans des projets tenus secrets par une puissance cachée qui fomente des événements dans les coulisses de l'histoire, ce qu'on a l'habitude de dire par les théories du complot? En réalité, même, je dirais que l'actualité nous permet de le penser. Il suffit de penser à l'assaut du Capitole à Washington, infiltré par le mouvement QAnon dont on a un petit peu parlé, mouvement QAnon qui présente une dimension hyperstitionnelle : une élite sataniste mondiale kidnappe des enfants, les retient en captivité, les torture et les assassine afin d'extraire leur sang [...], l'ex-président Donald Trump se bat contre cette élite de l'état profond, etc. Donc tout y est : le performatif, le fictif, l'explicatif et, évidemment, le mystique. Mais il y a quelque chose de plus qui permet de caractériser une hyperstition, c'est son contexte d'émergence, c'est son imbrication dans la société de spectacle et c'est surtout la vitesse à laquelle elle circule. »
« Je propose que cette cinquième fonction, donc je la signerais justement à l'hyperstition, c'est celle d'étrangiser, c'est-à-dire de défamiliariser, de court-circuiter nos seuils de perception, les représentations dominantes. Il s'agit en fait de sortir ni plus ni moins de l'enfermement qui des fois nous empêche de penser l'altérité, donc aussi en quelque sorte de réenchanter les modalités expressives. »
Médiagraphie de la conférence
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